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Des voitures qui bougent, des reporters qui gèlent, des portes fermées, des mots vides de sens. La France a un nouveau Premier ministre.


«Ça bouge du côté de la voiture de Gabriel Attal, les phares ont été allumés ! » C’est ainsi que s’est achevée ce mardi peu après midi, sur BFMTV, l’interminable attente de la nomination du nouveau Premier ministre, faisant suite à la non moins interminable attente de l’éviction d’Élisabeth Borne qui a empêché bon nombre de journalistes politiques de digérer correctement leur réveillon. Petit conseil pour la prochaine fois que se reproduira le même sketch, en détournant la célèbre maxime journalistique : don’t follow the money, follow the car.

De fait, c’est par une autre bagnole, ou plutôt un cortège automobile s’extirpant de Matignon collé aux fesses par une caméra motorisée de BFMTV, que, lundi un peu avant 15 heures, l’hypothèse s’est affermie : un truc était possible. Quand, quelques instants et une Seine franchie plus tard, ledit cortège – trois motards et deux caisses, dont l’une accueillait le séant de l’alors Première ministre Élisabeth Borne – est entré dans la cour de l’Élysée, l’hypothèse s’est renforcée : il allait se passer un truc. Quand, moins d’une heure après, le même cortège a fait son retour à Matignon, l’hypothèse du truc tenait toujours plus la corde. Depuis, il a eu lieu, le truc : lundi, Élisabeth Borne a été virée ; mardi, Gabriel Attal l’a remplacée et il ne restera à Emmanuel Macron qu’à nommer dans les prochains jours le gouvernement d’icelui – dont Gérald Darmanin, à la surprise absolument pas générale, fera toujours partie. Bref, un remaniement. Comment ça, on s’en fout ? Comment ça, aucun remaniement ne changera rien tant qu’Emmanuel Macron ne se remaniera pas lui-même ? Quelle sinistre absence d’empathie de votre part quand, depuis deux longues semaines, nos pauvres petits journalistes politiques adorés se saignent aux quatre veines, s’occasionnant de sérieuses plaies où planter leur plume afin de nous informer du moindre soubresaut de ce remaniement qui a fini par arriver.

Eh oui, le cirque habituel du remaniement a déployé son grand chapiteau en une place médiatique qu’on pensait pourtant rompue à l’exercice tant Emmanuel Macron s’y prête depuis le tout premier jour de son arrivée à l’Élysée en 2017 : faire poireauter. Vous savez, bien sûr, le « maître des horloges », tout ça, tout ça – on a fait un copier-coller de « maître des horloges » tellement ça nous saoulait de l’écrire encore (lire l’épisode 1 de la saison 1, « Maître des horloges et boussole médiatique »). Mais non, rien n’y fait : Emmanuel Macron fait poireauter. Et les journalistes, fidèlement, poireautent, se nourrissant exclusivement de riquiqui morceaux d’info sans queue ni tête que leur jettent des conseillers ministériels pour les faire patienter – pendant qu’avec une belle constance, c’est vrai, vos serviteurs se moquent (lire l’épisode 2, « Gouvernement : les entrants, les sortants, les macronants »).

Sur BFMTV, lundi et mardi, ils ont même tenté de faire crever en direct leurs envoyés spéciaux, expédiés devant des portes fermées de ministères aux hôtes potentiellement élus, pour se les geler par zéro degré en ne récoltant aucune info pendant que, sous le froid, se calcifiaient​ leurs mâchoires.

Pendant qu’on ne savait rien, il y a eu des infos : à son retour de l’Élysée, une source a rencardé BFMTV sur le « sourire crispé » qu’affichait Élisabeth Borne

Halala, comment ils ont rongé leur frein, ces acrobates de BFMTV, en espérant pouvoir gommer au plus vite le point d’interrogation de leurs bandeaux : « Élisabeth Borne a-t-elle démissionné ? », « Gabriel Attal futur Premier ministre ? »

Heureusement, pendant ces heures de vide, lundi, CNews sauvait l’honneur du journalisme, se détournant de la vaine attente, car il y avait, voyez-vous, un spectacle célébrant la vente de drogues aux enfants et soutenu par la mairie salafisto-gauchiste de Grenoble à dénoncer. Ainsi qu’en bandeau une interrogation à adresser à qui de droit : « À quand le retour de l’ordre ? » On rit, mais quand même, pendant qu’on ne savait rien, il y a eu des infos. Enfin une : à son retour de l’Élysée, une source a rencardé BFMTV sur le « sourire crispé » qu’affichait Élisabeth Borne, bien connue, comme chacun sait, pour l’extraordinaire détente de ses zygomatiques.

Ainsi donc Gabriel Attal. Plus jeune Premier ministre à 34 ans gnagnagna Laurent Fabius. Paraît-il un temps de gauche mais ce devait être en CE2 à l’École alsacienne, l’établissement privé parisien que le désormais ancien ministre de l’Éducation nationale fréquenta. Qui « transforme tout ce qu’il touche en or », nous certifiait lundi avant l’annonce, la cheffe du service politique de BFMTV Neïla Latrous. Attal qui est, selon la même, « j’ose le terme, “talentueux” ».

Aimé à droite mais aussi à l’extrême droite, ajouterons-nous en souvenir des petits hennissements de plaisir poussés au JDD et dans le reste de la presse qui pue quand il imposa l’interdiction de l’abaya à l’école (lire l’épisode 6, « Macron danse l’IA ») et l’expérimentation de l’uniforme. Le tout en surjouant un petit air pincé de proviseur excédé. Un coup à gauche, beaucoup de coups à droite. Un pur Playmobil macroniste en somme, dont on a du mal à voir en quoi il diffère des autres joujoux du président de la République, tels les Julien Denormandie et Sébastien Lecornu donnés dans la course à Matignon avant que Gabriel Attal s’impose.

Le moment rigolo (quand on n’est pas concerné), c’est quand, dans la grande salle d’attente de la nomination, tout le monde pète les plombs. Là, ça s’est passé ce mardi en fin de matinée, pile au moment où, le matin même, on nous annonçait promis, juré, craché, main sur le cœur et tout qu’Attal serait nommé. Sur BFMTV, tout était prêt : des duplex organisés à l’Élysée, à Matignon, et au ministère de l’Éducation nationale, le tout disposé en une jolie mosaïque sur l’écran. Quand soudain, à l’heure où il aurait dû être Premier ministre, bim, Gabriel Attal s’installe tranquillou depuis son ministère pour une visioconférence avec les chefs d’établissement de collèges et lycées, comme si de rien n’était. « C’est lunaire ! », écarquille derrière ses lunettes le journaliste Laurent Neumann en plateau quand, sur le terrain, les reporters congelés perdent leurs derniers filtres. Ainsi Perrine Vasque rue de Grenelle, complètement dépitée : « Alors là, je ne comprends plus rien », évoquant l’annulation puis la reprogrammation surprise de la visio. Tandis qu’à l’Élysée, Léopold Audebert évoque un fumeux complot réunissant Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Édouard Philippe, Alexis Kohler et pourquoi pas François Bayrou tant qu’on y est, qui serait en train de réussir à repousser la nomination de Gabriel Attal. L’obscure conjuration prenant fin quelques minutes plus tard en même temps que s’allumaient, donc, les phares de l’ex-ministre de l’Éducation.

« C’est un kamoulox et un schmilblick.»

Léopold Audebert, de BFM, touillant audacieusement des références des années 1990 et 1950

Notons au passage un festival de clichés politico-journalistiques qui permettent de combler le vide avec du rien : « C’est un kamoulox et un schmilblick », lance ainsi Léopold Audebert, touillant audacieusement des références des années 1990 et 1950. Tandis qu’en plateau un mec du RN dont on a oublié le nom fait un combo estimant qu’on est « entre course de petits chevaux et chaises musicales ». Et que sur CNews, Gilles Platret, des Républicains, déroule le classique et toujours de mauvais goût « c’est une tempête dans un verre d’eau ». Gaffe quand même à l’accident de cliché, arrivé à Laure Lavalette du RN, à pleine vitesse sur l’autoroute de la nomination : « C’est l’éléphant qui accouche d’une souris. » À moins que ce ne soit une montagne dans un magasin de porcelaine, allez savoir.

Mais voilà, on a beau essayer, on n’arrive pas à être journalistes politiques, nous, et on ne goûte pas à sa juste mesure ce plaisir de fin gourmet qui consiste à disséquer la moindre déclaration politique pour en prélever la sursignifiante moelle, à interpréter la nomination de Matéo Taboulé au poste de sous-secrétaire d’État au Réarmement civique comme une évidente allégeance au sous-courant d’Horizons en vue de déstabiliser une éventuelle candidature d’Édouard Philippe en 2027 – c’est un exemple – et à se goberger de confidences de conseillers de l’ombre. Notons la pas du tout voyante manœuvre de diversion d’Emmanuel Macron après le fiasco de la loi immigration votée grâce à l’extrême droite : épisode 1, l’odieuse défense de Gérard Depardieu ; épisode 2, virer Élisabeth Borne après qu’elle a avalé autant de couleuvres que de 49.3 ; épisode 3, nommer Gabriel Attal et conforter Gérald Darmanin, pourtant principal artisan dudit fiasco. On est pas bien, là, entre couilles ? Dit plus poliment par Élisabeth Borne lors de la passation de pouvoir : « J’ai aussi pu mesurer assez souvent qu’il reste du chemin pour l’égalité entre les femmes et les hommes. »

Selon son entourage, le Président souhaiterait « turbuler le système ». Avec encore un de ces mots surannés qu’il semble piocher dans son Larousse de 1877

Voyante, certes, cette diversion, mais que voulez-vous, il suffit d’agiter un remaniement sous le nez des journalistes politiques pour que ça prenne direct. Combien, depuis fin décembre, d’articles se nourrissant ainsi sinon de bruits de chiottes, du moins de murmures de cabinets ministériels ? Ainsi Le Monde, le 27 décembre, cite « l’entourage » du président de la République qui souhaiterait « mettre des fers au feu » et « turbuler le système » car, abonde un « communicant de l’Élysée », « un quinquennat doit être rythmé ».

Bullshit, nous direz-vous, mais pas tout à fait : cette idée de « turbuler » (qui ressemble quand même à un de ces mots surannés que Macron semble piocher dans son Larousse de 1877) fait suite à un précédent article du Monde, du 8 décembre, où, cette fois sans le truchement d’un conseiller ni d’un communicant, le Président annonçait en personne, on l’imagine avec son sourcil gauche dressé comme à chaque instant solennel : « Le moment est venu d’un rendez-vous avec la nation. » Un mois plus tard, bim : Gabriel Attal. On n’ose croire que ce « rendez-vous » se borne à cette nomination : le mouvement promis doit – « aux dires du Palais », écrivait Le Monde sans rigoler début janvier – « embellir le commun contre ceux qui attisent les crispations identitaires ». Ah mais attendez, prenons l’info de la bouche du cheval qui, sur l’ex-Twitter, s’est adressé mardi à son nouveau Premier ministre : « Je sais pouvoir compter sur votre énergie et votre engagement pour mettre en œuvre le projet de réarmement et de régénération que j’ai annoncé. »  OK, « réarmement » et « régénération ». Nous voilà bien avancés, pourvu que personne ne se prenne une balle perdue.

Et le journalisme politique a tout donné pour conter l’absurde attente du nouvel occupant de Matignon, se shootant à ces petites phrases absconses et ces tuyaux crevés. La preuve avec Le JDD qui, le 3 janvier, annonce sur la foi « d’une source très bien informée » que le remaniement aurait lieu « avant le week-end ». Caramba…

Au sortir de ce week-end où rien n’arriva sinon une rencontre inopinée le dimanche soir entre Élisabeth Borne et Emmanuel Macron, on a « glissé » au Monde : « Beaucoup fut évoqué mais rien ne fut dit. » La même réunion a également rendu fébrile Le Figaro à qui « un conseiller élyséen, sans expliciter », a confié : « Demain est un autre jour. » 

Ils se la racontent bien, à l’Élysée, faut dire, ayant réussi à faire avaler au Monde cette montagne de fatuité pour décrire la fin d’un cycle où la Lumière des Croyants Macronistes entend apposer « un point-virgule, donner une respiration à sa décennie de pouvoir, en changeant de ton comme on pourrait le faire dans une partition de musique ou dans une poésie ». Tous auraient dû prendre de la graine de cet autre murmure élyséen servi avant le remaniement à la fois à l’AFP et au Monde : « Tout est possible, y compris rien. » Y compris rien, effectivement : ce mardi 9 janvier, Gabriel Attal est devenu Premier ministre.

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Bernard Emié, l'enquête inédite (4/4). Le diplomate vit ses derniers jours comme directeur des services secrets extérieurs. Pendant six ans et demi, il a été l’un des cinq hommes les plus puissants de l’Etat. Dans ce dernier épisode, découvrez les raisons de son départ... et comment il pourrait rebondir.


Le média américain Politico l’a surnommé "Macron’s pal" : le pote de Macron. Pendant six ans et demi, il a été l’un des cinq hommes les plus puissants de la République, bien plus influent que la plupart des ministres, disent ceux qui l’ont côtoyé. Le gardien des secrets d’Etat les plus sensibles et le conseiller occulte du président. Le chef de la diplomatie clandestine et la plaque tournante des conseils de défense à l’Elysée. L’homme des missions cachées au Liban, en Algérie, en Turquie, en Biélorussie… L’ami de William Burns, le directeur de la CIA, et l’attraction du Siècle, le club privé parisien dont il est membre. Le 9 janvier, Bernard Emié quittera son poste de directeur de la DGSE. Viré après avoir été révéré. Il était temps de raconter son histoire, et celle de ses années à la tête d’un service spécial qu’il a métamorphosé.

Episode 4 : La chute

L’histoire a fait le tour de l’Elysée. Lors d’une de leurs entrevues récentes, Emmanuel Macron interroge Sébastien Lecornu, son ministre des Armées, sur un voyage à l’étranger et les messages passés par Bernard Emié, le directeur de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) : "C’est toi qui lui as demandé de faire ça ?". "Mais non, je croyais que c’était toi !", répond de but en blanc le ministre. C’est à ça que ressemble une disgrâce. Encouragées pendant tant d’années, les initiatives du chef des services secrets extérieurs auprès de factions radicales au Proche-Orient ont fini par agacer. "Il se prend pour le ministre des Affaires étrangères", entend-on désormais à la cellule diplomatique, l’état-major particulier du président de la République. Le chef de l’Etat l’a pourtant si longtemps encouragé dans ce rôle exorbitant, manière de susciter l’émulation entre ses conseillers. Mais ce qui était salué hier a lassé aujourd’hui. Son discours auprès des dirigeants du Hezbollah, au Liban, début décembre – il leur a demandé de retirer leurs troupes du nord du fleuve Litani, près de la frontière israélienne –, a irrité. L’arrestation de quatre agents de la DGSE au Burkina Faso, au même moment, est encore mal tombée : décidément, le service de renseignement ne sait plus s’y prendre avec ces pays africains "poutinisés".

Avec son élégance vieille école et son bagout d’ambassadeur, Bernard Emié a été l’attraction des conseils de défense pendant six ans et demi. En n’hésitant pas à contredire tout le monde avec les informations dont son service dispose. "Il prenait la parole après le ministre des Affaires étrangères, puis le ministre des Armées, et il était souvent beaucoup plus brillant", se souvient un participant de ce petit cénacle, le vrai lieu du pouvoir disent quelques initiés, souvent réuni le mercredi matin, avant le conseil des ministres.

Le directeur de la DGSE, invité permanent du comité, a été l’un des cinq hommes les plus puissants de l’Etat, soupèsent ceux qui l’ont côtoyé à l’Elysée ou au ministère des Armées. Il voit le président en tête-à-tête tous les mois. Il rencontre et renseigne aussi Bruno Le Maire, rencontré il y a vingt ans auprès de Dominique de Villepin, sur l’espionnage économique, et briefait Edouard Philippe avant ses voyages à l’étranger, lors de rendez-vous mensuels à trois avec le coordonnateur du renseignement d’alors, Pierre de Bousquet de Florian. "Il fut aussi le mentor d’Emmanuel Bonne", le conseiller diplomatique d’Emmanuel Macron, de 2002 à 2004, se rappelle le chercheur libanais Joseph Bahout, qui a croisé les deux hommes à Beyrouth. Plonger un peu plus profond dans les arcanes de l’Etat, c’est découvrir un peu partout des membres du "réseau Emié", anciens collaborateurs devenus au fil du temps des alliés. Le directeur de cabinet du ministre des Armées, Patrick Pailloux, a été son adjoint à la DGSE. A l’Elysée, le conseiller chargé des affaires stratégiques, Xavier Chatel de Briancion, présenté comme le concepteur de la "coalition internationale anti-Hamas", proposée un temps par le président français, a été son collaborateur à Londres. Le nouveau coordonnateur du renseignement, Pascal Mailhos, était son condisciple à Sciences Po. Une demi-douzaine d’ambassadeurs importants ont été formés par ses soins.

Allavena, Servent et Rondeau

Au Siècle, le club d’influence qu’il fréquente à Paris, une nuée se forme désormais naturellement autour de lui lorsqu’il apparaît. "Ils pensent tous que je peux leur avoir des informations confidentielles", s’amuse le maître espion auprès de son réseau d’amis, les mêmes depuis trente ans, de l’homme d’affaires Jean-Luc Allavena au consultant militaire Pierre Servent, en passant par les diplomates Gérard Araud et Charles Fries, la députée européenne Nathalie Loiseau ou l’académicien Daniel Rondeau.

"Je traite avec des chefs d’Etat, je ne vais pas aller à Washington proposer des petits fours à des ministres", expliquait-il ces derniers mois, rapportent au mot près deux de ses confrères diplomates, pour justifier son refus de prendre l’ambassade de France aux Etats-Unis, comme le lui propose Emmanuel Macron, début 2023. "C’est ta décision. Si tu le souhaites, je partirai. Moi, je préférerais rester. Je suis prêt à poursuivre", plaide-t-il alors auprès du chef de l’Etat, dans l’intimité de leur rendez-vous bimensuel à l’Elysée. Il tutoie le président de la République depuis leur rencontre à Londres, en juillet 2012. L’ambassadeur au Royaume-Uni y avait accueilli le secrétaire général adjoint de l’Elysée, chargé de préparer la venue du président Hollande.

Record presque battu

Plutôt éminence grise du président que roi du Quai d’Orsay : le choix d’Emié raconte la prise du pouvoir du renseignement sur la diplomatie. Et la chute à venir de l’espion téméraire. Car le mercredi 20 décembre, l’insubmersible se fait couper la tête. Au dernier conseil des ministres de l’année, Emmanuel Macron le remplace par Nicolas Lerner, jusque-là directeur de la DGSI, les services secrets intérieurs, à compter du 9 janvier 2024. Le président l’a prévenu dès novembre que cette substitution se profilait. Reste que le choc est rude dans la petite communauté du renseignement. A deux mois près, il aurait été le directeur de la DGSE resté le plus longtemps en poste depuis sa création, en 1981. Las, le record restera détenu par le préfet Jacques Dewatre, directeur de 1993 à 2000.

La liste des griefs contre le chef des services secrets est connue. Ne pas avoir vu venir les coups d’Etat en Afrique : le Mali, le Burkina Faso, le Niger – il s’en défend à chaque fois, cite plusieurs notes alarmistes. S’être fait berner par les Britanniques et les Américains sur le contrat des sous-marins d’attaque dénoncé par l’Australie. Ne pas avoir cru que Poutine envahirait l’Ukraine, là où la DGSE a attendu septembre 2021 pour envoyer un chef de poste. Même sa connaissance fine des pays où il a été ambassadeur est désormais mise à son débit : sa proximité avec Alger n’entrave-t-elle pas un rapprochement avec les Marocains ? "Bernard Emié a un beau bilan, il a fait son temps. Le président voulait quelqu’un de moins 'Ferrero Rocher' et de plus opérationnel", griffe une source de l’exécutif.

Médaille impériale

"Quelqu’un veut ma peau", rumine-t-il depuis le numéro du Canard enchaîné du 2 août 2023. L’hebdomadaire a raconté la colère froide du chef de l’Etat contre le service de renseignement, lors du conseil de défense du 29 juillet. "On voit que le mode de fonctionnement de la DGSE n’est pas satisfaisant", cingle ce jour-là Emmanuel Macron, à propos du coup d’Etat au Niger, pas prévu par les espions. Le 20 septembre, nouveau mauvais présage. Le chef des services secrets est invité au dîner d’Etat en l’honneur de Charles III, au château de Versailles. Il revêt sa médaille de chevalier de l’ordre de Victoria, superbe insigne or-rouge-bleu surmontée d’une couronne, lui l’ami du royaume, ambassadeur de France à Londres entre 2011 et 2014. Surprise, le protocole l’a placé très excentré à table, entre le député Pieyre-Alexandre Anglade et Jean-Dominique Sénard, le président de Renault. Le signe public de sa légère déconsidération.

Il pense un temps sauver sa peau, grâce à un tuyau sur Wagner. Les espions français ont su à l’avance que la milice d’Evgueni Prigojine allait tenter un coup d’Etat. "Nos partenaires nous respectent et ils ont encore récemment salué la qualité des informations françaises", s’est réjoui Emmanuel Macron, le 13 juillet, au ministère des Armées. Selon nos informations, la CIA s’est même fendue d’un courrier de félicitations, que Bernard Emié garde par-devers lui. Le directeur du service secret américain, William Burns, est un ami depuis leur passage commun en tant qu’ambassadeur en Jordanie, de 1998 à 2001.

"Si Emié reste jusqu’à la fin d’année 2023, il restera jusqu’aux JO", pronostiquait récemment une source dans l’exécutif. Hélas pour le maître espion, Emmanuel Macron a souhaité procéder à son grand reset du renseignement français avant Noël. Laissant Bernard Emié emporter avec lui, à 65 ans, ses réseaux, son entregent et sa mémoire de la diplomatie française.

Epilogue

Pourquoi pas le privé ?, s’est récemment interrogé Bernard Emié auprès d’un ami. A 65 ans, le maître espion pourrait travailler pour un très grand patron ou une grande entreprise française. De Jean-David Levitte à Gérard Araud, les exemples sont légion de ces ex-diplomates reconvertis dans le conseil. "Mais je ne l’encourage pas trop là-dedans", prévient Yves Cabana, son meilleur ami : "Il y aurait un côté anti-climax par rapport à ce qu’il a vécu. Je ne suis pas sûr qu’il s’y plairait." Parmi les projets en gestation, celui aussi d’écrire ses mémoires, confie en privé celui qui a passé sa vie dans les secrets d’Etat. "Inch allah", répond-il, énigmatique, à ceux qui l’interrogent sur ce dessein.

En Macronie, les histoires d’amour finissent mal en général. Mais le maître espion déchu a joué la loyauté maximale, jusqu’à relayer les messages du ministère des Armées sur la nomination de Nicolas Lerner. Alors… il peut se référer à l’exemple de Jean Castex, remplacé à Matignon le 16 mai 2022, sans rouspéter. Le 28 novembre 2022, l’Occitan était nommé à la présidence de la RATP. A croire Yves Cabana, Bernard Emié ferait un excellent ministre des Affaires étrangères.

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Une fondation qui est aussi anti-Mariage pour tous, partenaire de la manif pour tous.

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Traduction DeepL :

Les Palestiniens arrêtés dans le nord de la bande de Gaza décrivent les sévices systématiques infligés par les soldats israéliens aux civils comme aux combattants, depuis les privations sévères jusqu'aux violences physiques brutales.


Début décembre, des images ont circulé dans le monde entier montrant des dizaines d'hommes palestiniens dans la ville de Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza, qui ont été déshabillés jusqu'à leurs sous-vêtements, agenouillés ou assis courbés, puis ont eu les yeux bandés et ont été placés à l'arrière de camions de l'armée israélienne comme du bétail. La grande majorité de ces détenus étaient des civils non affiliés au Hamas, comme l'ont confirmé par la suite les responsables israéliens de la sécurité, et les hommes ont été emmenés par l'armée sans que leurs familles soient informées du lieu où se trouvaient les détenus. Certains d'entre eux ne sont jamais revenus.

+972 Magazine et Local Call se sont entretenus avec quatre civils palestiniens qui apparaissent sur ces photos ou qui ont été arrêtés près des lieux et emmenés dans des centres de détention militaires israéliens, où ils ont été détenus pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant d'être relâchés dans la bande de Gaza. Leurs témoignages - ainsi que 49 témoignages vidéo publiés par divers médias arabes de Palestiniens arrêtés dans des circonstances similaires au cours des dernières semaines dans les districts de Zeitoun, Jabalia et Shuja'iya, dans le nord de la bande de Gaza - font état d'abus et de tortures systématiques de la part des soldats israéliens à l'encontre de tous les détenus, civils et combattants confondus.

Selon ces témoignages, les soldats israéliens ont soumis les détenus palestiniens à des chocs électriques, leur ont brûlé la peau avec des briquets, leur ont craché dans la bouche et les ont privés de sommeil, de nourriture et d'accès aux toilettes jusqu'à ce qu'ils défèquent sur eux-mêmes. Nombre d'entre eux ont été attachés à une clôture pendant des heures, menottés et ont eu les yeux bandés pendant la majeure partie de la journée. Certains ont témoigné avoir été battus sur tout le corps et avoir eu des cigarettes éteintes dans le cou ou le dos. On sait que plusieurs personnes sont mortes des suites de leur détention dans ces conditions.

Les Palestiniens avec lesquels nous nous sommes entretenus ont déclaré que le matin du 7 décembre, lorsque les photos de Beit Lahiya ont été prises, les soldats israéliens sont entrés dans le quartier et ont ordonné à tous les civils de quitter leurs maisons. Ils criaient : "Tous les civils doivent descendre et se rendre"", a déclaré Ayman Lubad, chercheur juridique au Centre palestinien pour les droits de l'homme, qui a été détenu ce jour-là avec son jeune frère, à +972 et à Local Call.

Selon les témoignages, les soldats ont ordonné à tous les hommes de se déshabiller, les ont rassemblés en un seul endroit et ont pris les photos qui ont ensuite été diffusées sur les médias sociaux (de hauts responsables israéliens ont depuis réprimandé les soldats pour avoir partagé les images). Les femmes et les enfants, quant à eux, ont reçu l'ordre de se rendre à l'hôpital Kamal Adwan.

Quatre témoins différents ont déclaré séparément à +972 et à Local Call que, alors qu'ils étaient assis menottés dans la rue, les soldats sont entrés dans les maisons du quartier et y ont mis le feu ; +972 et Local Call ont obtenu des photos de l'une des maisons incendiées. Les soldats ont dit aux détenus qu'ils avaient été arrêtés parce qu'ils "n'avaient pas évacué vers le sud de la bande de Gaza".

Un nombre indéterminé de civils palestiniens restent dans la partie nord de la bande de Gaza malgré les ordres d'expulsion israéliens depuis le début de la guerre, qui a conduit des centaines de milliers de personnes à fuir vers le sud. Les personnes à qui nous avons parlé ont cité plusieurs raisons pour lesquelles elles ne sont pas parties : la peur d'être bombardées par l'armée israélienne pendant le trajet vers le sud ou pendant qu'elles s'y abritent ; la peur que des agents du Hamas leur tirent dessus ; les difficultés de mobilité ou les handicaps des membres de la famille ; et l'incertitude de la vie dans les camps de personnes déplacées dans le sud. La femme de Lubad, par exemple, venait d'accoucher et ils craignaient les dangers de quitter leur maison avec un nouveau-né.

Dans une vidéo filmée sur les lieux à Beit Lahiya, un soldat israélien tenant un mégaphone se tient devant les résidents détenus - qui sont assis en rangs, nus et à genoux, les mains derrière la tête - et déclare : "L'armée israélienne est arrivée : "L'armée israélienne est arrivée. Nous avons détruit Gaza [la ville] et Jabalia sur vos têtes. Nous avons occupé Jabalia. Nous occupons tout Gaza. C'est ce que vous voulez ? Voulez-vous le Hamas avec vous ?" Les Palestiniens répliquent en criant qu'ils sont des civils.

"Notre maison a brûlé sous mes yeux", a déclaré à +972 et à Local Call Maher, étudiant à l'université Al-Azhar de Gaza, qui apparaît sur une photo de détenus à Beit Lahiya (il a demandé à utiliser un pseudonyme de peur que l'armée israélienne n'exerce des représailles contre les membres de sa famille, qui sont toujours détenus dans un centre de détention militaire). Des témoins oculaires ont déclaré que le feu s'est propagé de manière incontrôlée, que la rue s'est remplie de fumée et que les soldats ont dû déplacer les Palestiniens ligotés à quelques dizaines de mètres des flammes.

J'ai dit au soldat : "Ma maison a brûlé, pourquoi faites-vous cela ? Il m'a répondu : "Oubliez cette maison"", se souvient Nidal, un autre Palestinien qui figure également sur une photographie prise à Beit Lahiya et qui a demandé à utiliser un pseudonyme pour les mêmes raisons.

Il m'a demandé où j'avais mal, puis il m'a frappé fort.

Plus de 660 Palestiniens de Gaza sont actuellement détenus dans des prisons israéliennes, pour la plupart dans la prison de Ketziot, dans le désert du Naqab/Negev. Un nombre supplémentaire, que l'armée refuse de révéler mais qui pourrait s'élever à plusieurs milliers, est détenu à la base militaire de Sde Teyman, près de Be'er Sheva, où se dérouleraient la plupart des mauvais traitements infligés aux détenus.

Selon les témoignages, les détenus palestiniens de Beit Lahiya ont été embarqués dans des camions et emmenés sur une plage. Ils sont restés ligotés pendant des heures, et une autre photo d'eux a été prise et diffusée sur les médias sociaux. Lubad a raconté comment l'une des femmes soldats israéliennes a demandé à plusieurs détenus de danser et les a ensuite filmés.

Les détenus, toujours en sous-vêtements, ont ensuite été emmenés sur une autre plage à l'intérieur d'Israël, près de la base militaire de Zikim, où, selon leurs témoignages, les soldats les ont interrogés et sévèrement battus. Selon les médias, ce sont des membres de l'unité 504 des FDI, un corps de renseignement militaire, qui ont procédé à ces premiers interrogatoires.

Maher a raconté son expérience à +972 et Local Call : Un soldat m'a demandé : "Quel est ton nom ?" et a commencé à me donner des coups de poing dans l'estomac et des coups de pied. Il m'a dit : "Tu es dans le Hamas depuis deux ans, dis-moi comment ils t'ont recruté". Je lui ai dit que j'étais étudiant. Deux soldats m'ont ouvert les jambes et m'ont donné un coup de poing à cet endroit et un autre au visage. J'ai commencé à tousser et je me suis rendu compte que je ne respirais plus. Je leur ai dit : 'Je suis un civil, je suis un civil'. "Je me souviens d'avoir tendu la main vers le bas de mon corps et d'avoir senti quelque chose de lourd", a poursuivi M. Maher. "Je n'ai pas réalisé que c'était ma jambe. J'ai arrêté de sentir mon corps.

J'ai dit au soldat que j'avais mal, il s'est arrêté et m'a demandé où ; je lui ai dit dans l'estomac, et alors il m'a frappé fort dans l'estomac. Ils m'ont dit de me lever. Je ne sentais plus mes jambes et je ne pouvais plus marcher. Chaque fois que je tombais, ils me frappaient à nouveau. J'ai saigné de la bouche et du nez et je me suis évanoui.

Les soldats ont interrogé certains détenus de la même manière, les ont photographiés, ont vérifié leurs cartes d'identité, puis les ont divisés en deux groupes. La plupart, dont Maher et le jeune frère de Lubad, ont été renvoyés à Gaza et ont rejoint leur domicile le soir même. Lubad lui-même faisait partie d'un deuxième groupe d'environ 100 personnes détenues à Beit Lahiya ce jour-là et qui ont été transférées dans un centre de détention militaire à l'intérieur d'Israël.

Il est donc probable qu'ils aient été détenus à la base de Sde Teyman, à côté de Be'er Sheva, qui comprend un aérodrome. Selon l'armée israélienne, c'est là que les détenus de Gaza sont gardés pour être traités, c'est-à-dire pour qu'il soit décidé s'ils doivent être considérés comme des civils ou des "combattants illégaux".

Selon le bureau du porte-parole de l'armée israélienne, les centres de détention militaire ne sont destinés qu'à l'interrogatoire et au contrôle initial des détenus, avant qu'ils ne soient transférés à l'administration pénitentiaire israélienne ou jusqu'à leur libération. Les témoignages des Palestiniens qui ont été détenus dans ces installations brossent cependant un tableau tout à fait différent.

Nous avons été torturés toute la journée

À l'intérieur de la base militaire, les Palestiniens étaient détenus par groupes d'environ 100 personnes. Selon les témoignages, ils étaient menottés et avaient les yeux bandés tout le temps, et n'étaient autorisés à se reposer qu'entre minuit et 5 heures du matin.

L'un des détenus de chaque groupe, choisi par les soldats parce qu'il connaissait l'hébreu et qu'il portait le titre de "Shawish" (terme argotique désignant un serviteur ou un subordonné), était le seul à ne pas avoir les yeux bandés. Les anciens détenus ont expliqué que les soldats qui les gardaient avaient des lampes de poche à laser vert qu'ils utilisaient pour marquer toute personne qui bougeait, changeait de position à cause de la douleur ou émettait un son. Les Shawish amenaient ces détenus aux soldats qui se tenaient de l'autre côté de la clôture de barbelés entourant l'installation, où ils étaient punis.

Selon les témoignages, la punition la plus courante consistait à être attaché à une clôture et à devoir lever les bras pendant plusieurs heures. Celui qui les baissait était emmené par les soldats et battu.

"Nous avons été torturés toute la journée", a déclaré Nidal à +972 et à Local Call. "Nous nous sommes agenouillés, la tête baissée. Ceux qui n'y parvenaient pas étaient attachés à la clôture, [pendant] deux ou trois heures, jusqu'à ce que le soldat décide de les libérer. J'ai été attaché pendant une demi-heure. Tout mon corps était couvert de sueur, mes mains étaient engourdies.

"Vous ne pouvez pas bouger", rappelle Lubad à propos des règles. Si vous bougez, le soldat pointe un laser sur vous et dit au Shawish : "Sortez-le, levez les mains." Si vous baissez les mains, le Shawish vous emmène à l'extérieur et les soldats vous battent. Si vous baissez les mains, le Shawish vous emmène dehors et les soldats vous frappent. J'ai été attaché deux fois à la clôture. Et j'ai gardé les mains en l'air parce qu'il y avait des gens autour de moi qui étaient vraiment blessés. Une personne est revenue avec une jambe cassée. Vous entendez les coups et les cris de l'autre côté de la clôture. Vous avez peur de regarder ou de jeter un coup d'œil à travers le bandeau. S'ils te voient regarder, c'est une punition. Ils te sortent de là ou t'attachent à la clôture".

Un autre jeune homme libéré a déclaré aux médias, après son retour à Gaza, que "les gens étaient torturés en permanence. Nous entendions des cris. Ils [les soldats] nous ont dit : "Pourquoi êtes-vous restés à Gaza, pourquoi n'êtes-vous pas allés dans le sud ? Je leur ai répondu : "Pourquoi irions-nous dans le sud ? Nos maisons sont toujours là et nous ne sommes pas liés au Hamas". Ils nous ont dit : "Descendez au sud - vous avez célébré [l'attaque menée par le Hamas] le 7 octobre".

Dans un cas, raconte Lubad, un détenu qui refusait de s'agenouiller et qui baissait les mains au lieu de les garder levées a été emmené derrière la clôture de fils barbelés, les mains menottées. Les détenus ont entendu des coups, puis ils ont entendu le détenu maudire un soldat, et enfin un coup de feu. Ils ne savent pas si le détenu a réellement été abattu, ni s'il est vivant ou mort ; en tout état de cause, il n'est pas revenu pendant le reste de la période de détention des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus.

Lors d'entretiens avec des médias arabes, d'anciens détenus ont déclaré que d'autres détenus du centre étaient morts à côté d'eux. "Des gens sont morts à l'intérieur. L'un d'entre eux souffrait d'une maladie cardiaque. Ils l'ont jeté dehors, ils ne voulaient pas s'occuper de lui", a déclaré une personne à Al Jazeera.

Plusieurs détenus qui se trouvaient avec Lubad lui ont également parlé d'un tel décès. Ils ont déclaré qu'avant son arrivée, un homme âgé du camp de réfugiés d'Al-Shati, qui était malade, était décédé dans l'établissement en raison des conditions de détention. Les détenus ont décidé d'entamer une grève de la faim pour protester contre sa mort et ont rendu aux soldats les morceaux de fromage et de pain qui leur avaient été rationnés. Les détenus ont raconté à Lubad que la nuit, les soldats entraient et les battaient sévèrement alors qu'ils étaient menottés, puis leur lançaient des bombes lacrymogènes. Les détenus ont cessé de faire grève.

L'armée israélienne a confirmé à +972 et à Local Call que des détenus de Gaza étaient morts dans l'établissement. "Il y a des cas connus de décès de détenus dans le centre de détention", a déclaré le porte-parole de l'IDF. "Conformément aux procédures, chaque décès d'un détenu fait l'objet d'un examen, y compris en ce qui concerne les circonstances du décès. Les corps des détenus sont conservés conformément aux ordres militaires".

Dans des témoignages vidéo, des Palestiniens qui ont été relâchés à Gaza décrivent des cas où les soldats ont éteint des cigarettes sur le corps des détenus et leur ont même administré des chocs électriques. "J'ai été détenu pendant 18 jours", a déclaré un jeune homme à Al Jazeera. "Le soldat vous voit vous endormir, prend un briquet et vous brûle le dos. Ils ont éteint des cigarettes sur mon dos à plusieurs reprises. L'un des gars [qui avait les yeux bandés] a dit [au soldat] : 'Je veux boire de l'eau', et le soldat lui a dit d'ouvrir la bouche et a craché dedans".

Un autre détenu a déclaré avoir été torturé pendant cinq ou six jours. "'Tu veux aller aux toilettes ? Interdit", a-t-il raconté. "[Le soldat] vous bat. Et je ne suis pas du Hamas, qu'est-ce qu'on peut me reprocher ? Mais il continue à vous dire : Vous êtes du Hamas, tous ceux qui restent à Gaza sont du Hamas. Si vous n'étiez pas du Hamas, vous seriez allé au sud. Nous vous avons dit d'aller au sud".

Shadi al-Adawiya, un autre détenu qui a été libéré, a déclaré à TRT dans un témoignage filmé : "Ils nous mettent des cigarettes dans le cou, les mains et le dos. Ils nous donnent des coups de pied dans les mains et la tête. Et il y a des chocs électriques".

"On ne peut rien demander", a déclaré à Al Jazeera un autre détenu libéré après son arrivée à l'hôpital de Rafah. Si vous dites "Je veux boire", ils vous frappent sur tout le corps. Il n'y a pas de différence entre les jeunes et les vieux. J'ai 62 ans. Ils m'ont frappé dans les côtes et depuis, j'ai du mal à respirer.

J'ai essayé d'enlever le bandeau et un soldat m'a donné un coup de genou dans le front.

Les Palestiniens détenus par Israël à Gaza, qu'il s'agisse de militants ou de civils, le sont en vertu de la "loi sur les combattants illégaux" de 2002. Cette loi israélienne permet à l'État de détenir des combattants ennemis sans leur accorder le statut de prisonnier de guerre, et de les détenir pendant de longues périodes sans procédure judiciaire normale. Israël peut empêcher les détenus de rencontrer un avocat et reporter le contrôle judiciaire jusqu'à 75 jours - ou, si un juge l'approuve, jusqu'à six mois.

Après le déclenchement de la guerre actuelle en octobre, cette loi a été modifiée : selon la version approuvée par la Knesset le 18 décembre, Israël peut également détenir ces personnes jusqu'à 45 jours sans émettre d'ordre de détention - une disposition qui a des ramifications importantes.

"Ils n'existent pas pendant 45 jours", a déclaré Tal Steiner, directeur exécutif du Comité public contre la torture en Israël, à +972 et à Local Call. "Leurs familles ne sont pas informées. Pendant cette période, des personnes peuvent mourir sans que personne ne le sache. [Il faut prouver que tout s'est passé. Beaucoup de gens peuvent tout simplement disparaître.

L'ONG israélienne de défense des droits de l'homme HaMoked a reçu des appels d'habitants de Gaza concernant 254 Palestiniens détenus par l'armée israélienne et dont les proches n'ont aucune idée de l'endroit où ils se trouvent. HaMoked a déposé une requête auprès de la Haute Cour d'Israël à la fin du mois de décembre, exigeant que l'armée publie des informations sur les résidents de Gaza qu'elle détient.

Une source de l'administration pénitentiaire israélienne a déclaré à +972 et à Local Call que la plupart des détenus de Gaza sont détenus par l'armée et n'ont pas été transférés dans des prisons. Il est probable que l'armée israélienne tente d'obtenir des renseignements sur des civils tout en utilisant la loi sur les combattants illégaux pour les emprisonner.

Les détenus qui ont parlé à +972 et à Local Call ont déclaré qu'ils étaient détenus dans l'installation militaire avec des personnes qu'ils savaient être des membres du Hamas ou du Jihad islamique. Selon les témoignages, les soldats israéliens ne font pas de différence entre les civils et les membres de ces groupes et traitent tout le monde de la même manière. Certaines des personnes arrêtées dans le même groupe à Beit Lahiya il y a près d'un mois n'ont pas encore été libérées.

Nidal a décrit comment, en plus des violences subies par les détenus, les conditions de détention étaient extrêmement dures. "Les toilettes sont une mince ouverture entre deux morceaux de bois", a-t-il déclaré. "Ils nous y ont mis les mains attachées et les yeux bandés. Nous entrions et faisions pipi sur nos vêtements. Et c'est là que nous buvions de l'eau".

Les civils qui ont été libérés de la base militaire israélienne ont déclaré à +972 et à Local Call que quelques jours plus tard, ils ont été emmenés d'une installation à l'autre pour être interrogés. La plupart d'entre eux ont déclaré avoir été battus pendant les interrogatoires. On leur a demandé s'ils connaissaient des agents du Hamas ou du Jihad islamique, ce qu'ils pensaient de ce qui s'était passé le 7 octobre, lequel des membres de leur famille était un agent du Hamas, qui était entré en Israël le 7 octobre et pourquoi ils n'avaient pas évacué le sud comme on le leur avait "demandé".

Trois jours plus tard, Lubad a été emmené à Jérusalem pour y être interrogé. "L'interrogateur m'a donné un coup de poing au visage et, à la fin, ils m'ont emmené dehors et m'ont bandé les yeux", a-t-il déclaré. "J'ai essayé d'enlever le bandeau, parce qu'il me faisait mal, et un soldat m'a donné un coup de genou dans le front, alors je l'ai laissé.

"Une demi-heure plus tard, ils ont amené un autre détenu, un professeur d'université", a poursuivi Lubad. "Apparemment, il n'a pas coopéré avec eux pendant l'interrogatoire. Ils l'ont battu très brutalement à côté de moi. Ils lui ont dit : 'Vous défendez le Hamas, vous ne répondez pas aux questions. Mettez-vous à genoux, levez les mains. J'ai senti deux personnes venir vers moi. J'ai pensé que c'était mon tour d'être battu et j'ai contracté mon corps pour me préparer. Quelqu'un m'a chuchoté à l'oreille : "Dis chien". J'ai dit que je ne comprenais pas. Il m'a dit : 'Dis, le jour viendra pour chaque chien'", sous-entendant la mort ou le châtiment.

Lubad a ensuite été relâché dans la cellule de détention. Selon lui, les conditions à Jérusalem étaient meilleures que dans l'établissement du sud. Pour la première fois, il n'était pas menotté et n'avait pas les yeux bandés. "J'avais tellement mal et j'étais si fatigué que je me suis endormi, et c'est tout", a-t-il déclaré.

Nous avons été traités comme des poulets ou des moutons

Le 14 décembre, une semaine après avoir été enlevé de sa maison à Beit Lahiya, laissant derrière lui sa femme et ses trois enfants, Lubad a été mis dans un bus pour retourner au point de passage de Kerem Shalom, entre Israël et la bande de Gaza. Il a dénombré 14 bus, contenant environ 500 détenus. Lui et un autre témoin ont déclaré à +972 et à Local Call que les soldats leur ont dit de courir et que "quiconque regarde en arrière, nous lui tirerons dessus".

De Kerem Shalom, les détenus ont marché jusqu'à Rafah, une ville qui s'est transformée en un gigantesque camp de réfugiés ces dernières semaines, abritant des centaines de milliers de Palestiniens déplacés. Les détenus libérés portaient des pyjamas gris, et certains ont montré aux journalistes palestiniens des blessures aux poignets, au dos et aux épaules, apparemment dues aux violences subies en détention. Ils portaient des bracelets numérotés qui leur avaient été remis à leur arrivée au centre de détention.

Les détenus ont déclaré aux journalistes qu'ils ne savaient pas où aller à Rafah ni où se trouvaient leurs familles. Nombre d'entre eux étaient pieds nus. "J'ai eu les yeux bandés pendant 17 jours", a déclaré l'un d'entre eux. "Nous avons été traités comme des poulets ou des moutons", a déclaré un autre.

L'un des détenus arrivés à Rafah a déclaré à +972 et à Local Call que depuis qu'il a été libéré il y a deux semaines, il vit dans une tente en nylon. "Aujourd'hui même, j'ai acheté des chaussures", a-t-il déclaré. "À Rafah, où que vous regardiez, vous voyez des tentes. Depuis ma libération, c'est très difficile pour moi sur le plan mental. Un million de personnes s'entassent ici dans une ville de 200 000 habitants [avant la guerre]".

Lorsque Lubad est arrivé à Rafah, il a immédiatement appelé sa femme. Il était heureux d'apprendre qu'elle et ses enfants étaient en vie. "En prison, je n'arrêtais pas de penser à eux, à ma femme qui se trouvait dans une situation difficile, seule avec notre nouveau-né", explique-t-il.

Mais au téléphone, il avait l'impression que sa famille ne lui disait rien. Finalement, Lubad a découvert qu'une heure après que son jeune frère soit revenu de sa détention à Zikim Beach, il a été tué par un obus israélien qui a frappé la maison d'un voisin.

Se souvenant de la dernière fois qu'il a vu son frère, Lubad a déclaré : "J'ai vu comment nous étions assis là, dans un coin de la maison : "J'ai vu que nous étions assis là en caleçon et qu'il faisait terriblement froid, et je lui ai chuchoté : 'C'est bon, c'est bon, tu reviendras sain et sauf'".

Pendant sa détention, la femme de Lubad a dit à leurs enfants qu'il avait voyagé à l'étranger ; Lubad n'est pas sûr qu'ils l'aient cru. Son fils de trois ans l'a vu se déshabiller dans la rue ce jour-là. "Mon fils voulait vraiment aller au zoo, mais il n'y a plus de zoo à Gaza. Je lui ai donc dit qu'au cours de mon voyage, j'avais vu un renard à Jérusalem - et en effet, lorsque j'ai été interrogé, le matin, des renards passaient par là. Je lui ai promis qu'une fois que tout serait terminé, je l'emmènerais les voir aussi".

En réponse aux affirmations faites dans cet article selon lesquelles des soldats israéliens ont brûlé les maisons de Palestiniens détenus à Beit Lahiya, le porte-parole des FDI a déclaré que ces allégations "seront examinées", ajoutant que "des documents appartenant au Hamas ont été trouvés dans les appartements de l'immeuble, ainsi qu'une grande quantité d'armes", et que des coups de feu ont été tirés sur les forces israéliennes à partir de l'immeuble.

Le porte-parole de l'IDF a déclaré que les Palestiniens de Gaza étaient détenus "pour implication dans des activités terroristes" et que "les détenus dont il a été établi qu'ils n'étaient pas impliqués dans des activités terroristes et dont le maintien en détention n'est pas justifié sont renvoyés dans la bande de Gaza à la première occasion".

En ce qui concerne les allégations de mauvais traitements et de torture, le porte-parole de l'IDF a déclaré que "toute allégation de comportement inapproprié dans le centre de détention fait l'objet d'une enquête approfondie. Les détenus sont menottés en fonction de leur niveau de risque et de leur état de santé, selon une évaluation quotidienne. Une fois par jour, le centre de détention militaire organise une visite médicale pour vérifier l'état de santé des détenus qui le nécessitent".

Les détenus qui ont parlé à +972 et à Local Call ont cependant déclaré qu'ils n'avaient été examinés par un médecin qu'à leur arrivée dans le centre, et qu'ils n'avaient reçu aucun traitement médical par la suite malgré leurs demandes répétées.

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submitted 10 months ago by NuclearPlatypus@jlai.lu to c/france@jlai.lu
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STRASBOURG, France — From the top floor of the house he shares here with a senior Russian diplomat — to whom he rents the apartment below — the man who helped bankroll the French presidential bid of far-right candidate Marine Le Pen has been working on plans to propel pro-Moscow politicians to power.


“We have to change all the governments … All the governments in Western Europe will be changed,” Jean-Luc Schaffhauser, a former member of the European Parliament for Le Pen’s party, said in an interview. “We have to control this. Take the leadership of this.”

For Schaffhauser, such ambitions are part of a decades-long effort to forge an alliance between Russia and Europe, the prospects of which, however distant, were shattered by Moscow’s invasion of Ukraine in February 2022. But now, as Kyiv’s counteroffensive — and Western funding for it — falters and as governments in Europe battle rising living costs, plunging approval ratings and the rise of far-right populists, Schaffhauser and his Russian associates see fresh opportunity.

Russia has been increasing its efforts to undermine French support for Kyiv — a hidden propaganda front in Western Europe that is part of the war against Ukraine, according to Kremlin documents and interviews with European security officials and far-right political figures.

The maneuvering — and Kremlin connections with a host of far-right parties across Europe, including in France — are worrying some European officials ahead of European Parliament elections in June. Josep Borrell, the E.U.’s foreign policy chief, warned at a conference this month that those elections could be “as dangerous as the American ones,” driven by “fear” in response to growing inequality and security threats. “Europe is in danger,” he said.

The Kremlin documents, obtained by a European security service and reviewed by The Washington Post, show that Sergei Kiriyenko, the first deputy chief of staff in President Vladimir Putin’s administration, has tasked Kremlin political strategists with promoting political discord in France through social media and French political figures, opinion leaders and activists. Those figures were not identified by name in the documents seen by The Post. Moscow’s goal is to undermine support for Ukraine and weaken NATO resolve, the documents show. The effort parallels similar interference in Germany, where the Kremlin has attempted to marry the far right and the far left in an antiwar alliance, The Post previously reported.

The talking points to be amplified by the Kremlin’s strategists included arguing that Western sanctions against Russia have damaged the French economy through a decline in trade, leaving the country at risk of falling into “the deepest social and economic crisis of recent years,” as well as asserting that the supply of arms to Ukraine has left France without the weapons to defend itself.

Several weekly “dashboard” presentations to Kremlin officials in 2022 show that Moscow thought France was vulnerable to political turmoil. Citing opinion polls, the strategists noted that 30 percent of the French retained a positive view of Russia, the second highest among Western European countries after Italy, while 40 percent were inclined not to believe reporting on Ukraine by France’s own mass media.

Later, in 2023, Kiriyenko’s Kremlin group ordered the strategists to promote messaging that would increase the number of those in France reluctant to “pay for another country’s war,” one of the documents shows. They were also told to increase “the fear of direct of confrontation with Russia and the start of World War III with Europe’s participation,” and to boost the number of those who want “dialogue with Russia on the construction of a common European security architecture.” The United States was to be described as using Ukraine as an instrument to weaken Russia’s position in Europe, the documents state.

The documents show that troll farms created by the Kremlin political strategists produced and published social media content and articles critical of Western support for Ukrainian President Volodymyr Zelensky’s government. One note written by one of the strategists in June 2023 directed a troll farm employee to create a “200-character comment by a middle-aged French person” who considers Europe’s support for Ukraine to be “a stupid adventure.” The fictional French person was also supposed to argue that support for Ukraine is turning into “inflation … and falling living standards.”

Asked about the documents, Kremlin spokesman Dmitry Peskov said they sounded like “no more than the latest fake or total rubbish,” partly because Kiriyenko focuses on domestic politics and partly because “it is clear to all analysts” that “the whole of Europe is suffering” from sanctions on Russia “and there doesn’t need to be any promotion of this.”

The Kremlin’s messaging has so far had limited resonance in France, where President Emmanuel Macron has been at the forefront of Europe’s efforts to support Ukraine and a majority of the population has backed him. But the visibility of pro-Russian accounts on social media is climbing in France, according to Thomas Gomart, director of the French Institute for International Relations, and approval ratings for France’s far-right parties have been rising. Rhetoric from Russia allies like Schaffhauser — who maintains connections across the country’s far right — about the cost of the Ukraine war is increasingly being combined with the idea that it is an American adventure and that France needs to assert itself as a great power and restore relations with Russia.

For part of the French establishment, the vision of France leading a grand Europe together with Moscow is “a dream which will never go away,” said Sylvie Kauffmann, editorial director at Le Monde and author of the recent book “Les Aveuglés,” or “The Blinded Ones,” about how France and Germany misread Putin in seeking to build close ties with him. “In this dream we are a big power and Russia is a big power and we are two big nuclear powers treating each other on an equal footing,” she said.

Moscow tries to fan tensions

At the end of June, after Paris erupted into riots over the police killing of a teenager of Moroccan and Algerian origin, a network of pro-Russian social media accounts became highly active, according to a study conducted by Alto Intelligence, a leading cybersecurity firm that tracks anomalous digital media activity across Europe. A tiny fraction of profiles — 1.2 percent — produced 30.6 percent of all digital media commentary on the riots. Among the most prolific accounts, 24.2 percent were injecting pro-Russian posts into the commentary. Most of the accounts were aligned with far-right French politicians such as Éric Zemmour or Le Pen, Alto found.

Concerns are also growing that the Kremlin could seek to exacerbate mounting tensions over the Israel-Gaza conflict, a senior European security official said, adding that Russia was willing to exploit a wide array of political issues.

In November, French officials said Moscow’s fingerprints were found on an attempt to fan tensions between France’s Jewish and Muslim communities, both the biggest in Europe, following Israel’s invasion of Gaza. A Moldovan couple was arrested for painting hundreds of Stars of David across the streets of Paris, and French officials said they believed the couple was acting on the instructions of a pro-Russian Moldovan businessman.

When France’s state digital watchdog detected more than 1,000 bots amplifying photos of those Stars of David, French authorities called the effort “a new operation of Russian digital interference against France,” and part of “an opportunistic and irresponsible strategy aimed at exploiting international crises to sow confusion and create tensions” in France and Europe.

The state watchdog, Viginum, said it had a “high degree of confidence” that the bots were connected to a Russian disinformation network known as Recent Reliable News, which produces content aimed at undermining Western governments’ stances on the Ukraine war. Viginum noted that one of the bots’ main activities was to redirect to RRN websites.

The RRN websites have also been a vehicle for a Russian operation known as Doppelgänger, which was exposed by French officials in June. It cloned and usurped the sites of well-known Western media brands such as France’s Le Monde — and, eventually, of the French Foreign Ministry — to produce fake content that included depicting Ukraine as a Nazi state and blasting sanctions against Russia as harming European economies. Viginum accused two Russian companies — Struktura and Social Design Agency — of being behind Doppelgänger.

Withholding support for Ukraine

After a six-month inquiry this year into foreign interference in the French political process, France’s Parliament focused in on the Kremlin, declaring in its final report: “Russia is conducting a long-term disinformation campaign in our country” that seeks “to defend and promote Russian interests and to polarize our democratic society.”

It also highlighted the role of Le Pen’s National Rally, finding that the party “maintains many privileged links with the Kremlin” and had effectively acted as “a communication channel” for its views.

At the time the report was published, Le Pen told reporters the inquiry had not found “a shred of evidence that would prove Russian influence over National Rally,” claiming that it had passed judgment on her political opinions and “not on any form of interference.”

The inquiry raised questions about whether National Rally, formerly called the National Front, had received “material support” from Russia in return for backing its positions, including through two loans organized by Schaffhauser to finance the party and Le Pen’s 2017 presidential campaign. The first loan, for 9.4 million euros in 2014, came directly from a Russian bank, while the second, for 8 million euros in 2017, was of more “mysterious” origin via an Abu Dhabi bank, the inquiry said.

Sensing a change in the political winds after Russia’s invasion of Ukraine, Le Pen has become quieter on advocating closer ties with Moscow. Tarnished by the 2014 loan from Russia — which was paid back early, National Rally said in September — she has limited her comments mostly to the negative impact of sanctions on the French economy.

But National Rally has withheld support for Ukraine in several key votes in the French Parliament, either abstaining or voting against the measures, and voices in the party and elsewhere on the far right have in recent months become louder on the issue of Ukraine and restoring relations with Moscow.

Russia “is not going to drop the links they had” with National Rally, said Fiona Hill, a former director for Russia on the staff of President Donald Trump’s National Security Council.

Advocating for a cease-fire in Ukraine

One of the party’s most prominent voices on Russia is Thierry Mariani, a member of the European Parliament who was singled out in the inquiry for his “great ideological and political proximity” to the Russian authorities. The report especially noted his leadership of the Association for Franco-Russian Dialogue, a Paris think tank founded by the Russian government that the inquiry said has long been a hub for promoting Kremlin views.

The report also questioned Mariani’s frequent visits to Russia, and his role as an election observer rubber-stamping illegal votes held by Moscow-backed separatists in 2018 in Ukraine’s eastern Donbas region. The report also noted that he led National Rally delegations to Crimea, the Ukrainian peninsula illegally annexed by Russia in 2014. In connection with these visits, but without naming names, Nicolas Lerner, then head of France’s domestic intelligence agency, told the inquiry: “Some elected officials have clearly maintained clandestine relationships with [Russian] intelligence services.”

In the past few months, Mariani has become increasingly vocal against Western support for Ukraine, telling the European Parliament in October that sanctions against Russia had only created more enemies for the E.U. Later, in December, he gave an interview to the Russian state news agency Tass, calling Zelensky’s policies “state terrorism” and accusing the Ukrainian president of behaving “like a Mafioso, ready to eliminate those whom he considers a threat to his power.” Then, in a post on X, formerly Twitter, he wrote: “Europe will be paying for years to reconstruct Ukraine, whereas the United States will make money on the war to restart its economy.”

In an interview with The Post, Mariani sought to play down his Russia links, saying he had merely discovered an affinity for Russia in 1976 when he was 17 and his military school sent him there to study the language. But he insisted that sanctions against Russia were leading Europe into an “economic catastrophe,” and that things would only get worse if Moscow tightened its lock on global commodity prices with the expansion of BRICS — an alliance of Brazil, Russia, India, China and South Africa that the Kremlin sees as anti-Western — with the addition of Saudi Arabia and Iran early in 2024.

Promoting a slate of new far-right leaders

For Schaffhauser — who faced special scrutiny in the parliamentary inquiry for his role facilitating the two loans for Le Pen — a primary objective is helping Moscow rebuild its connections to Europe.

Arguing that China poses an existential threat to Europe, he told The Post in a series of interviews that he is proposing launching a foundation with Moscow’s backing that would advocate for a cease-fire in Ukraine, with the Kremlin maintaining its grip on the country’s eastern regions in return for drawing closer to the West again and out of its deepening alliance with China. He also said he would promote a new slate of Western European far-right leaders ready to do business with Moscow, ahead of the E.U.'s parliamentary elections next year.

A senior Russian military intelligence officer, whom Schaffhauser said he’d been close with since the 1990s, has arranged for him to travel to Moscow in January to discuss these plans, he said. He added that he is due to meet with Sergei Naryshkin, an ally he first met when Naryshkin was speaker of the State Duma, the lower house of Russia’s parliament. He now serves as the country’s foreign intelligence chief.

Schaffhauser denied that he was acting on Russia’s behalf, saying he was acting in France’s best interests. But he receives regular funding and support from the No. 2 diplomat in Russia’s Paris embassy, Ilya Subbotin, who pays him every month to rent one floor of his Strasbourg residence. Schaffhauser said it’s a commercial arrangement, with the space rented through an agency to Subbotin, who was Russia’s top envoy to the Council of Europe in Strasbourg until its mission was shuttered over Russia’s invasion of Ukraine.

Subbotin declined to comment.

The French parliamentary inquiry noted “the dense relational fabric” that Schaffhauser — a member of the European Parliament for Le Pen’s party from 2014 to 2019 — had built up over years of dealings between Russia and France.

At one point, over the summer, shortly after the June riots rocked Macron’s administration, Schaffhauser said he’d even been in talks with several former senior French military intelligence officers about how to bring a network of former French generals to power in case of crisis and political collapse in France. “We have to propose the best government for France, a shadow government … people who are really patriots,” Schaffhauser said.

In its report, the parliamentary inquiry warned of the propensity of former French officials, “particularly retired officers,” to echo Moscow’s positions and “develop speeches using Kremlin language.”

For Schaffhauser, the recent breakdown in the U.S. Congress on funding for Ukraine means “it is a good moment to find a solution” — for a cease-fire and rapprochement with Moscow. But as tensions rise across the West over the Israel-Gaza conflict, he warned, the Kremlin’s confidence is growing. “Now it is easy” for Russia to stir unrest, said Schaffhauser. Moscow does not have “big work to do. They are prepared.”

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Ils ont raison mais le combat est déjà perdu

Raté. À l’échelon européen, la France voulait inclure les journalistes dans les personnes pouvant être « écoutées » et justifiait cela par la nécessité de pouvoir défendre la nation. La mobilisation a porté ses fruits et la presse est exclue de cette curiosité indécente. Mais ce n’est qu’une victoire de papier. On vous explique.

Cette volonté française d’autoriser à l’échelon européen la surveillance des journalistes au nom de la « sécurité nationale » n’est pas une nouveauté. La France a toujours eu une position qui la rapproche plus d’une dictature ou d’un État policier que d’une démocratie en matière d’interceptions ou de lutte contre la cryptographie. Disclose a révélé il y a quelques jours la manœuvre portée par Paris : Pour comprendre la manœuvre en cours, il faut remonter au 16 septembre 2022. À l’époque, la Commission européenne présente un projet de loi sur la liberté des médias. Dans son article 4, le texte initial interdit l’utilisation de logiciels espions contre des journalistes et des médias, sauf dans le cadre « d’enquêtes sur [dix] formes graves de criminalité » (terrorisme, viol, meurtre — cf. encadré en fin d’article).

Ces technologies, qui permettent d’intercepter les e-mails et messages sécurisés, pourront aussi être utilisées au « cas par cas, pour des raisons de sécurité nationale ». Inconcevable pour la France qui, dans un document interne au Conseil de l’UE, écrit le 21 octobre 2022 qu’elle « refuse que les enjeux en matière de sécurité nationale ne soient traités dans le cadre d’une dérogation ». Le gouvernement d’Elisabeth Borne, alors représenté par sa conseillère culture exige d’ajouter « une clause d’exclusion explicite » à l’interdiction de surveiller les journalistes.

En clair, la France veut pouvoir entraver le travail de la presse, quand elle l’estime nécessaire au nom de la sécurité nationale. Une exigence pour laquelle elle a fini par obtenir gain de cause auprès de la majorité des autres États. La mobilisation a cependant payé. Les journaux, les syndicats, se sont émus et ont signé une pétition. Reflets a signé des deux mains, évidemment.

Mais même si la proposition française a échoué, le combat est déjà perdu. En fait, les journalistes sont déjà victimes d’interceptions et le seront encore à l’avenir. « Pas du tout ! » crieront les politiques et autres ardents défenseurs de l’image pourtant bien dégradée de « pays des Droits de l’Homme » que la France aime projeter. « Tout cela est très encadré, y compris pour les écoutes administratives, il est loin le temps où l’on pouvait faire n’importe quoi. Ici, on pêche au harpon, pas au chalut », martèlent sans relâche politiques, journalistes et autres membres des services de renseignement ou de police. Hélas, la réalité est toute autre. Que l’on ne se trompe pas. Lorsque la France veut inclure les journalistes dans la liste des personnes dont les communications peuvent être interceptées, c’est surtout pour pouvoir identifier leurs sources et envoyer un message à ces dernières : si vous parlez aux journalistes, nous le saurons. Ne leur dites rien. Tout d’abord, prenons quelques instants pour décrire le paysage des interceptions en France.

There is no such thing as...

Il existe des interceptions judiciaires. Elles se font sous le contrôle d’un juge et les contenus viendront s’ajouter au dossier judiciaire. On est donc dans un cadre contradictoire. Vous pouvez vous défendre et savoir ce qui a été intercepté, mais surtout, savoir comment les interceptions ont ensuite été utilisées contre vous. Puis, il y a les interceptions administratives. Elles sont généralement demandées par un service de renseignement et autorisées, ou pas, par un service dépendant du premier ministre. Ces écoutes sont couvertes par le secret défense et il n’est pas possible de savoir pourquoi on a été écouté, ce qui a été intercepté, comment ces interceptions ont été utilisées (par exemple pour identifier une source d’un journaliste). Leur nombre est encadré. Vous pouvez trouver tous les chiffres sur le site de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Et puis il y a le reste. Le reste n’existe pas. Officiellement tout du moins. A ce stade il faut faire un détour par les services de renseignement. A quoi servent-ils ? L’exécutif dispose de la Justice et des forces de l’ordre pour faire respecter le contrat social et plus généralement la loi. Pourquoi aurait-il besoin d’un service de renseignement ? Tout simplement pour faire des choses qui sont soit sur la ligne jaune entre ce qui est légal et ce qui est illégal, soit tout simplement des choses qui sont illégales.

« La seule limite étant de ne pas se faire prendre », comme nous l’indiquait il y a quelques années un membre de la DST (l’ancêtre de la DGSI). Le passage au tout IP (l’explosion d’Internet et des technologies qui lui sont liées, dont la téléphonie mobile) a ouvert un champ infini pour les interceptions. Le volume de métadonnées et de données qui est à la disposition des services est quasiment sans limite. La puissance des outils est ensuite mesurée à l’aune de leurs capacités de corrélation. Ce que nos sources nous expliquent sur les interceptions « qui n’existent pas » dans le domaine de la téléphonie est tout simplement terrifiant. Rien à voir avec les blagounettes de Pegasus et autres mouchards. On parle de massif. A l’échelle du pays. Le problème des services de renseignements et de pouvoir judiciariser la récolte. Comment faire entrer dans un dossier judiciaire le contenu d’une interception illégale ?

Pas vu pas pris. Vu ? Une loi !

Lorsqu’un projet de texte, comme celui qui vient d’être discuté au niveau européen, pointe le bout de son nez, il y a généralement deux raisons. Les autorités ont parfois besoin de légaliser une méthode d’interception parce qu’elle sera très utile dans des procédures judiciaires. Il faut donc lui donner une existence légale. Parfois, c’est simplement parce que la presse a mis au jour une méthode illégale. Dans ce cas, les politiques, brandissent un joker soufflé par les services de renseignement : « c’était une méthode alégale ». Un mot qui signifierait « entre légal et illégal ». Chaque étudiant de première année de droit sait qu’il n’existe que deux possibilités : quelque chose est soit légal, soit illégal. Il n’y a pas d’entre deux. Pourtant, les politiques ont pris le parti depuis Snowden d’utiliser ce mot à chaque fois qu’une technique illégale est découverte. C’est un peu « chat perché ».

Pour pouvoir descendre du mur, le chat a besoin de légaliser. Vite, une une loi. Mais lorsque l'on en est à ce stade, c'est que depuis longtemps, les services planchent sur le coup d’après, sur la technique encore plus intrusive, plus globale, et toujours aussi illégale. Bilan des courses ? Les défenseurs des libertés individuelles, journalistes, associations, sont toujours en retard d’un train dans leurs combats. L’État a toujours une longueur d’avance dans ce domaine. En outre, les mêmes défenseurs des libertés individuelles ont du mal à se projeter. Les interceptions sont un sujet principalement technique. « Jusqu’où peut-on aller et que peut-on collecter ? » est une question qui peut être abordée avec un prisme légal et/ou technique. Si l’aspect légal peut être mis sous le tapis (on parle de services de renseignements, souvenezvous), reste la partie technique. Or seules les personnes qui ont à la fois un bagage technique suffisant et une grande imagination en termes de possibles peuvent concevoir précisément jusqu’où vont les États pour surveiller leurs populations. C’est sans doute pour cela que la presse s’offusque autant de l’existence d’un Pegasus et pas du tout du reste, parce qu’elle a simplement du mal à conceptualiser.

Revenons aux journalistes et à l’interception de leurs communications. « Écouter » un journaliste peut être intéressant pour toutes sortes de raisons. Mettre en place un Kompromat, être en « avance de phase » pour désamorcer une « affaire » qui pourrait sortir dans la presse et mieux lutter contre les remous médiatiques. Mais surtout, cela peut aider à identifier les sources. Arrêter et poursuivre suffisamment de sources qui ont fourni des documents confidentiels à des journalistes permet de lancer un message à ceux qui pourraient être tentés de parler. Une fois identifiées, les sources bénéficient rarement de la même protection devant un tribunal qu’un journaliste qui peut invoquer l’intérêt général.

Prenons un exemple fictif mais concret. Un journaliste est approché par un militaire qui a connaissance d’une collaboration entre le France et une dictature et qui a abouti à l’assassinat par les services de la dictature d’un opposant politique, militant des droits de l’homme. Une série d’articles est publiée, qui embarrasse la France, ou plus précisément, les politiques qui ont donné leur aval pour cette coopération avec une dictature. Les services de renseignements sont chargés d’identifier la source.

Résumons la partie technique par une formule : « ils vont piocher dans le lac de données et surprise, la source est rapidement identifiée »… Il s’agit alors de faire disparaître toute trace d’interception (si cela a été nécessaire et rien ne dit que cela ait été le cas) des journalistes. Il faut désormais se concentrer sur la source. Il est alors possible de judiciariser. Le tour est joué. Nous menons une bataille que nous avons déjà perdue. Mais nous ne pouvons pas nous résoudre à ne pas la mener.

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On peut en déduire que la tribune de soutien à Depardieu sert aussi de caution morale à la sortie de Macron sur Depardieu ?

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Alternatiba-Rhône va déposer au mois de janvier un recours contre la décision de la préfecture de lui refuser une subvention en raison de ses actions de désobéissance civile. Une décision annoncée à l’oral lors d’une réunion à laquelle ne participait pas l’association, et qui ne lui a même pas été notifiée.


Certains préfets ont-ils le contrat d’engagement républicain honteux ? Le « CER », cette mesure phare de la loi séparatisme d’août 2021 censée engager les associations à respecter les valeurs de la République au risque de se voir retirer leurs subventions, est devenu pour certains représentants de l’État un outil dont l’utilisation pose question.

Dernier exemple en date, la décision de la préfecture du Rhône de refuser une subvention de 3 500 euros à l’association écologiste Alternatiba-Rhône en lui reprochant des « actions de désobéissance civile », mais sans lui notifier ce refus ni sa raison.

Après avoir finalement appris ce refus à la fin du mois de septembre, l’association a envoyé un recours gracieux à la préfecture lui demandant de revenir sur sa décision. N’ayant pas eu de réponse deux mois plus tard, elle a désormais la possibilité de saisir le tribunal administratif pour contester ce refus implicite. L’association a ainsi mandaté un avocat, Me Édouard Raffin, qui travaille actuellement sur un recours qui sera déposé au mois de janvier.

C’est lors d’une réunion du collège du Fonds départemental de la vie associative (FDVA) qui s’est tenue le vendredi 12 mai que la décision du refus de cette subvention a été annoncée par Vanina Nicoli, secrétaire générale de la préfecture du Rhône et préfète déléguée pour l’égalité des chances, aux treize autres personnes présentes.

Difficile, plusieurs mois après, de se rappeler les propos exacts qui ont pu être tenus. Trois participant·es contacté·es par Mediapart se souviennent d’une discussion tournant autour de la désobéissance civile et du contrat d’engagement républicain (CER). Mais aucun n’est capable de restituer précisément les paroles de la préfète ni de confirmer la raison du rejet.

Siégeant en tant que députée Les Écologistes (ex-EELV) de Lyon, Marie-Charlotte Garin est certaine d’avoir entendu parler de « désobéissance civile » et d’un « lien entre Alternatiba et l’action de Dernière rénovation [une association écologiste dont des militants viennent alors d’être condamnés pour avoir jeté de la peinture orange sur la préfecture – ndlr] » : « On a eu beau expliquer qu’il n’y avait aucun lien entre les deux associations, elle a maintenu sa décision. »

« J’ai pointé que cela fait des années qu’Alternatiba menait des actions de désobéissance civile mais que cela n’avait jamais empêché qu’elle reçoive des subventions. Sa décision était donc bien une décision politique, poursuit l’élue. J’ai également souligné qu’il s’agissait exactement des craintes de détournement du CER sur lesquelles nous avions alerté au moment de l’adoption de la loi séparatisme. »

Un compte rendu lacunaire

Le compte rendu de la réunion que Mediapart s’est procuré n’apporte pas beaucoup d’informations supplémentaires. Il y est écrit que « la préfète indique que l’association Alternatiba est retirée des propositions de financement ». Le contrat d’engagement républicain est bien évoqué, mais par les autres participants.

Ainsi, « en réponse » à la préfète, le représentant de la fédération d’associations Le Mouvement associatif, Gilles Champion, « dit qu’il s’est opposé à la signature du contrat d’engagement républicain (CER) et demande son abrogation, l’association Alternatiba faisant débat notamment sur ce terrain-là ».

L’association est également soutenue par Florestan Groult, vice-président de la métropole de Lyon chargé de la vie associative, qui soutient les positions de Marie-Charlotte Garin et de Gilles Champion. En face, le député Renaissance de Lyon Thomas Rudigoz « voit dans les actions de désobéissance civile un glissement politique dangereux » et « rappelle l’importance de respecter le CER ».

Mais lorsque sont rapportés les propos de la préfète, le compte rendu ne donne à aucun moment le motif de sa décision de rejeter la demande de subvention.

Une « position problématique sur la désobéissance civile ».

Heureusement, un des participants permet d’en savoir plus sur ce qu’il s’est exactement dit cet après-midi du vendredi 12 mai. Dans l’assemblée réunie dans la salle Simone-Veil de la préfecture de Lyon, se trouvait en effet un sociologue, souhaitant rester anonyme, présent dans le cadre d’un travail de recherche en cours. Et pour ce faire, ce chercheur a soigneusement noté puis horodaté les principaux événements de la réunion, avant de les reporter dans un fichier Excel que Mediapart a pu consulter.

On y apprend que c’est à 16 h 10 que Vanina Nicoli a annoncé sa décision de retirer la demande de subvention d’Alternatiba-Rhône en raison de sa « position problématique sur la désobéissance civile », selon les propos notés par le sociologue. La préfète a alors invoqué le CER, déclarant, toujours selon les notes du chercheur, que dans celui-ci « figure le devoir de ne pas porter atteinte à l’ordre public ».

Le ton est alors monté, plusieurs participants, dont Gilles Champion et Florestan Groult, exigeant que l’incident « soit noté au compte rendu », tandis que Marie-Charlotte Garin dénonçait « une instrumentalisation du CER ». Ce n’est qu’à 16 h 25 que « les échanges se calment », rapporte le sociologue, et que la réunion aborde un autre sujet.

Un pouvoir discrétionnaire de l’administration

Se pose alors le problème du fondement de ce recours. Il existe en effet en matière d’octroi de subvention un pouvoir discrétionnaire des administrations. Toute collectivité a le droit d’accorder ou de refuser une subvention sans avoir à se justifier et donc à motiver sa décision.

Aussi, en l’absence d’invocation franche du CER, il n’y a pas de décision administrative attaquable. Et on peut comprendre que les préfectures soient réticentes à l’invoquer au regard de la jurisprudence naissante en la matière.

L’un des premiers à avoir usé du CER a été le préfet de la Vienne Jean-Marie Girier. Au mois de septembre 2022, celui-ci avait exigé le remboursement d’une subvention versée par la mairie à l’antenne locale d’Alternatiba, au motif que l’association avait organisé, durant un festival, un « atelier de désobéissance civile ».

Il motivait sa demande par le fait que la désobéissance civile violerait le premier engagement du CER, sur le « respect des règles de la République », qui interdit « d’entreprendre ou d’inciter à toute action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ».

Le CER menacé par le juge administratif

Mais la mairie de Poitiers avait refusé d’exiger ce remboursement et le préfet Girier avait saisi le tribunal administratif. Celui l’a désavoué dans une décision rendue jeudi 30 novembre précisant la manière dont devait être interprété l’engagement du CER.

Ainsi, pour qu’une subvention soit rejetée ou remboursée, « l’association ayant bénéficié de cette subvention doit avoir entrepris ou incité à entreprendre des actions non seulement “manifestement contraires à la loi”, mais également “violentes ou susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public” ».

Face à un possible désaveu du juge administratif, les préfets et les collectivités choisissent de s’abriter derrière leur pouvoir discrétionnaire pour refuser des subventions aux associations pratiquant la désobéissance civile, ou tout simplement trop critiques envers les autorités.

Il est ainsi rare de voir officiellement invoqué le CER dans les décisions de refus de subvention. Ce fut pourtant le cas pour la compagnie Arlette Moreau, basée à Poitiers, dont le renouvellement d’une subvention a été rejeté en raison d’« engagements militants non conformes au respect des lois de la République » et violant le CER.

Cette précision dans son dossier avait permis à la compagnie d’introduire, au mois de septembre 2023, un recours en cours d’examen. « Cette fois, au moins, nous avons le vrai motif », se réjouissait alors auprès de Mediapart son avocat, Me Paul Mathonnet, qui soulignait la difficulté à prouver que la vraie raison du refus est bien le CER. « Nombre d’associations se voient retirer leurs subventions officiellement pour insuffisance de crédits », regrettait-il.

On nous disait que si nous voulions plus d’informations, nous devions faire un recours.

Alex Montvernay, porte-parole d’Alternatiba-Rhône

À titre d’exemple de ces refus suspects, le 9 août dernier, Le Monde évoquait l’existence d’une « liste rouge » d’associations engagées dans la lutte contre les bassines dans la zone du plateau de Millevaches et privées de subventions au prétexte du CER, mais sans que celles-ci aient été informées.

Alternatiba-Rhône, de son côté, n’a appris le rejet de sa demande de subvention qu’au mois d’août. « Nous avons commencé à échanger avec la commission pour en connaître la raison, mais notre contact ne faisait que botter en touche, raconte Alex Montvernay, porte-parole de l’association. On nous disait que si nous voulions plus d’informations, nous devions faire un recours. »

Ce n’est donc que de manière officieuse qu’Alternatiba a appris l’existence de cette réunion du mois de mai durant laquelle sa demande a été rejetée.

Contactée par Mediapart, la préfecture confirme n’avoir « pas souhaité subventionner des actions de désobéissance civile portées par cette structure associative ». Elle souligne par ailleurs que le FDVA avait reçu 593 dossiers et que seuls 283 « ont bénéficié d’un financement ». « Proportionnellement, nous avons retenu plus de dossiers financés dédiés à la thématique environnement et développement durable que de dossiers présentés en rapport avec ce secteur d’activité », pointe-t-elle encore.

La préfecture n’a cependant pas souhaité confirmer les propos de la préfète rapportés par le sociologue, ni dire pourquoi elle n’a pas officiellement invoqué le CER ni n’en a informé Alternatiba (voir en Boîte noire nos questions et les réponses de la préfecture).

Un avis préalable favorable du FDVA

Un document de travail que Mediapart a pu consulter relativise les arguments de la préfecture. Les demandes de subventions auprès du FDVA font en effet l’objet d’une instruction à l’issue de laquelle chaque dossier se voit attribuer une note, composée d’une lettre et d’un chiffre, reflétant divers éléments, comme l’intérêt général de l’association ou encore le fait qu’elle bénéficie ou non d’autres subventions, et d’une proposition de réponse.

Mediapart a pu consulter ce document pour la réunion du 12 mai et il apparaît qu’Alternatiba bénéficiait d’une note A-15, soit un niveau plus que correct. Celle-ci était en outre accompagnée d’un avis positif sur sa demande. La décision de la préfète a donc été prise contre l’avis de l’instruction

Quant aux actions de désobéissance civile, Alex Montvernay les revendique sans difficulté. « Oui, nous avons recours à la désobéissance civile et nous l’assumons, affirme-t-il. Nous pensons que c’est un mode d’action indispensable qui permet de faire avancer la démocratie lorsque tous les autres moyens ont échoué. »

Conformément au principe de non-violence intrinsèque à la désobéissance civile, les actions d’Alternatiba reposent principalement sur des blocages de sites, de voies de communication ou sur des actions symboliques. Durant l’année 2023, l’association a ainsi bloqué plusieurs sites industriels du groupe chimique Arkema, accusé de rejeter dans l’eau des perfluorés (PFAFS), des substances qualifiées de « polluants éternels ».

Alternatiba-Rhône s’est également opposé à l’installation d’un entrepôt d’Amazon. Et plusieurs de ses membres ont participé à des actions de décrochage de portraits d’Emmanuel Macron dans des mairies ou encore contre des installations publicitaires.

Concernant le refus de subvention, l’association « a décidé de ne pas se laisser faire et de faire un recours devant le tribunal administratif », reprend Alex Montvernay. « Vu la pente inquiétante que suit notre pays, nous ne pouvons pas accepter que soit réprimée toute critique contre le pouvoir en place », ajoute-t-il.

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submitted 10 months ago by NuclearPlatypus@jlai.lu to c/france@jlai.lu

Il surfait sur la vague du centre. Mais le bras de fer autour de la loi sur l'immigration a déplacé l'ancrage politique de la Macronie, et la rapproche aujourd'hui des projets que défend depuis longtemps la droite radicale française, commente ce quotidien de centre gauche. Qui trouve ce pas dangereux.

Le "macronisme" est mort, et ce définitivement, il faut bien le reconnaître. Décédé peu avant Noël 2023, à l'occasion d'un vote à l'Assemblée nationale. Jusque-là, par macronisme, les Français entendaient ce cap au centre, d'un flou tout à fait délibéré, qu'avait adopté leur président, Emmanuel Macron. À force de brouter toujours un peu à droite et un peu à gauche du centre, il avait conquis une prairie. Et, ainsi, les anciens grands partis modérés traditionnels étaient censés avoir presque disparu, être devenus obsolètes. Selon les mots de Macron lui-même, à cette tactique correspondait une formule aujourd'hui célèbre : "En même temps". Et il s'en est bien souvent servi, non sans succès. Mais c'est fini.

La nouvelle loi sur l'immigration, que Macron tenait impérativement à faire passer cette année, littéralement à tout prix, constitue une césure. Elle représente une concession si grossière à la droite que plus jamais la gauche modérée ne pourra se rallier à lui. Bien sûr, le gouvernement a constamment besoin d'aide depuis qu'il a perdu sa majorité absolue lors des élections de 2022. Il doit donc faire des compromis, mais cette loi va au-delà du compromis : c'est une compromission. Ainsi le gouvernement a-t-il vendu son âme.

Une rupture nette avec l'"égalité"

Il est fort possible que l'aile progressiste de son parti décroche un peu plus de Macron désormais, et que plusieurs de ses ministres ancrés plutôt à gauche quittent le gouvernement en signe de protestation. Peut-il ne pas s'en soucier ? Il n'est pas supposé se représenter en 2027, car la Constitution [n'autorise] que deux mandats présidentiels. Mais on est encore bien loin de 2027.

C'est Marine Le Pen qui triomphe aujourd'hui, la politicienne qu'il s'était solennellement engagé à stopper, et qui lui avait justement permis par deux fois d'être élu. La dirigeante du Rassemblement national, d'extrême droite, décrit la nouvelle loi sur l'immigration comme sa "victoire idéologique". À juste titre.

Si la Cour constitutionnelle n'intervient pas, le vieux rêve de Le Pen, celui d'une préférence nationale accordée aux Français, deviendra réalité. Conformément au texte de la nouvelle loi, même les étrangers qui travaillent et paient des impôts en France devront attendre trente mois avant d'obtenir le droit aux prestations sociales. C'est une rupture nette avec l'égalité, si importante pour cette république, dont elle est si fière. Pour ne rien dire de la fraternité.

Un cadeau de Noël inespéré

Les optimistes parmi les macronistes escomptent que cette loi rigoureuse va leur permettre de couper l'herbe sous le pied aux lepénistes - et que les électeurs se diront alors qu'ils n'ont pas du tout besoin de voter pour Le Pen s'ils souhaitent voir appliquer sa politique. Or c'est le contraire qui paraît plus probable : d'habitude, les électeurs ont tendance à préférer l'original à la copie.

D'une certaine façon, l'original en question s'en trouve un peu plus légitimé, voire presque totalement dédiabolisé. Le Pen, on le sait, fait tout son possible pour modifier l'image de son parti, afin que celui-ci donne l'impression d'être le plus normal possible. Et, manifestement, cela fonctionne à la perfection. Selon les sondages les plus récents, les Français qui considèrent que Le Pen est éligible sont pour la première fois une majorité. Le nombre de ceux qui continuent à la situer en dehors de l'"arc républicain" ne cesse de diminuer.

La loi sur l'immigration de Macron donne un nouveau coup de pouce à ce processus de normalisation du parti de Le Pen. Pour cette dernière, c'est comme un cadeau de Noël inespéré.

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NuclearPlatypus

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